D’abord une précision
qui nous semble nécessaire en ces temps d’élections, le sujet restera
apolitique en ce sens qu’il ne concerne que la position du volant dans la
voiture !
Plusieurs
d’entre nous possèdent encore de ces véhicules français (ou européens
comme Fiat, Alfa, Lancia…) ayant le volant placé du côté droit. Elles sont
un sujet d’étonnement à chaque arrêt de ma part des badauds voire
d’amateurs avertis : c’est une anglaise ? un bidouillage, cela n’a
jamais existé ! ce n’est pas conforme au code de la route ! etc.,
etc. C’est surprenant pour ceux qui ont un peu d’âge car dans les années
50 voire 60 tout le monde était habitué à les voir circuler, elles étaient généralement
associées à la notion « d’avant-guerre ».
A tel point que les premiers constats amiables disponibles offrait un
choix entre 2 cases à cocher suivant le véhicule :
-
CAD pour
conduite à droite (comprendre « poste de conduite ».
-
CAG pour
conduite à gauche
Dans un but
d’allègement du texte nous reprendrons ces abréviations courantes en leur
temps dans la suite de l’article.
Pour la petite
histoire, au salon de 1948 (modèles 49) sur les 46 véhicules français proposés
au public, 30 avaient le volant à gauche, 15 encore à droite et un, la
Wimille, au… centre ! Pour être juste, il faut ajouter que les chiffres
de vente de ces deux dernières catégories n’étaient pas des plus élevés,
certains n’ont pas dépassé le stade de la présérie…
Alors, pourquoi
rencontre-t-on des CAD et des CAG en France me direz-vous ? Nous allons tâcher
d’y répondre.
Un peu
d’histoire :
Le volant n’était
pas l’apanage des premières voitures construites au XIXème voir à l’aube
du XXème : c’était plutôt une barre de direction
surnommée la queue de vache placée au centre (Voir la Nef Lacroix De
Laville souvent visible dans les Côtes d’Armor). Elle évoluera vers une
sorte de petit volant vertical toujours placé au centre. Dans les deux cas les
premiers conducteurs prirent de se placer à droite du véhicule comme le
faisait le conducteur de calèche où c’était plus facile pour manier le
fouet de la main droite.
Un volant au
centre n’était pas pratique avec des véhicules toujours plus rapide,
innovation française on le plaça
devant le conducteur, et comme il était à droite cela sera à droite ! Détail
pratique aussi les leviers de vitesses et de frein quittèrent le centre pour être
placés à l’extérieur des longerons du châssis (voir les cyclecars avec les
leviers extérieurs à la carrosserie) ce qui était très pratique pour les
droitiers.
La France étant
alors le berceau et le principal pays constructeur ce principe sera appliqué au
monde entier, seuls Rambler puis Charron essayèrent l’autre côté mais ne
firent pas d’émules.
Le changement :
LA CAD fut donc
la règle mais en 1906/1907 Henry Ford commença à produire en nombre de plus
en plus important des CAG et dès 1908 avec l’apparition des premières Ford
T, toutes les Ford américaines seront des CAG. Il n’est pas besoin de
rappeler le succès de la Ford T qui sera produite à plus de quinze millions
d’exemplaires : son succès sonnera le glas de la suprématie française
dans l’automobile et… la fin programmée des CAD ! Dès 1915 la cause
était entendue aux USA : plus aucun constructeur ne proposait de CAD !
La contagion, n’allait pas tarder à s’étendre au reste du monde mais il
faudra attendre la fin de la guerre.
La CAG en France :
La fin de la
Première Guerre sera le signal d’un renouveau de l’automobile. Le premier
européen a passé à la CAG sera André Citroën, nouveau constructeur et fidèle
admirateur d’Henry Ford. C’est ainsi gréées qu’il lança dés 1919 avec
le succès que l’on connaît les premières automobiles que l’on peut
qualifier de « grandes séries », les A, B et C appelées à un bel
avenir.
On raconte aussi
que, à la même époque les vénérables taxis de la Marne étaient à
remplacer, un marché qui ne pouvait laisser indifférent André Citroen qui équipa
plusieurs flottille en B2 : les chauffeurs et les passagers plébiscitèrent
la formule : bagages à l’avant droit, passagers à l’arrière, c’était
bien pratique pour monter ou descendre tout en restant du côté trottoir.
Devant le succès
de Citroën, Peugeot ne tardera pas à s’aligner tandis que, plus
conservateur, Renault tardera un peu puis
offrira le choix, une large partie de sa clientèle étant conservatrice, entre
les deux modes de conduites. Une dizaine d’année plus tard la cause était
entendue : toutes les voitures de grandes marques (en diffusion !) étaient
des CAG. Il est vrai qu’à la même époque les leviers revenaient au centre
du véhicule et la solution était plus ergonomique pour les droitiers.
Par contre du côté
des petits constructeurs, en particulier pour les sportives et les hauts de
gamme on restera fidèle à la CAD. Seul Panhard se distinguera en 1936 avec le
lancement de la Dynamic en choisissant de ne pas choisir : le volant sera
au centre (cf. ces images des premiers Tour de Bretagne : René Alba avec
une passagère de chaque côté !) avant de passer définitivement à
gauche en 1939. Beaucoup disparaîtront avant d’évoluer ou le feront
tardivement dans les années 50 : Hotchkiss avec la Grégoire en 1953,
Talbot avec l’America en en 1957 tout comme Salmson pour sa première CAG mais
qui sera aussi sa toute dernière voiture produite, Delahaye fit des
allers-retours : CAG pour la 175 à châssis 4,5 l puis de nouveau CAD pour
son ultime modèle, la 235.
Rappelons au
passage qu’en Angleterre la question ne se posera pas : la CAD est
toujours d’actualité ! En Italie, dans les années 50 elle était même
obligatoire pour les poids-lourds.
Dans le milieu
sportif le débat n’est pas encore clos : Au Mans, sans parler des
anglaises, les Ferrari, Matra, Renault et plus près de nous les Peugeot et les
Pescarolo ont un volant à droite, même les américaines Ford ou Chapparal
l’adopteront pour courir. Parmi les prétendantes à la victoire seul Mercedes
par intermittence et maintenant Audi ont le volant à gauche !
Pourquoi ces
deux formules ont cohabité ou continuent de cohabité ? C’est que
chacune a ses inconvénients et avantages ! Quels sont-ils ? En voici
quelques-uns, certains importants d’autres plus que secondaires :
Pour la conduite
à gauche :
-
Avec les
leviers placés au centre puis au volant, c’est plus facile pour les
droitiers. Pour l’anecdote les Bentley d’après-guerre même en CAD ont les
commandes à droite. Les boîtes présélectives Wilson ou électromagnétiques
Cotal qui équiperont une majorité
de nos dernières CAD balaieront cet argument avec leurs sélecteurs.
-
Il n’y
a guère qu’une cinquantaine d’années que les clignotants (ou flèches
indicatrices) sont obligatoires : être à gauche c’est plus facile de
tendre le bras par la portière pour indiquer un changement de direction à
gauche, à droite c’est moins grave de ne pas le faire : on ne coupera la
route de personne…
-
Meilleure
visibilité pour les dépassements : en déboitant, on apercevra plus
vite un véhicule venant en sens inverse (angle mort moindre).
C’est l’argument primordial aujourd’hui mais à l’époque, vu la
fluidité du trafic, cela devait être très secondaire.
-
Rester
dans son couloir : là aussi c’est vrai aujourd’hui avec les lignes médianes
marquées mais autrefois…
-
Galanterie :
lors d’un arrêt, ne pas exposer sa passagère aux aléas de la circulation en
la faisant descendre côté trottoir. Argument un peu fallacieux car comme la 5
CV Citroen, beaucoup de twenties
n’avaient pas de porte à gauche par économie ou simplement une roue de
secours verticale débordant de l’aile : avec la CAG le conducteur devait
obligatoirement monter le premier et descendre le dernier !
Pour la conduite
à droite :
-
On voit
beaucoup mieux le côté de la route et ses défauts et il est plus facile de
suivre le bord, primordial en temps de brouillard avec les absences de
marquages.
-
Moindre
éblouissement de nuit : le fait d’être plus décalé atténue l’effet
des phares mal réglés car on les reçoit moins de face sans compter la facilité
de suivre le côté droit de la route. Ce sont sans doute les deux arguments
principaux qui expliquent que ce sont finalement les voitures les plus rapides
qui resteront le plus longtemps fidèles à cette technique.
-
Pas de
passager encombrant qui vous empêche de voir les véhicules venant de droite.
Dans les Iles Britanniques où la priorité est aussi à droite c’est encore
plus décisif : la voiture venant de votre droite et roulant sur sa gauche,
vous n’avez pas beaucoup de temps pour réagir
-
En compétition,
la majorité des circuits tournent dans le sens horaire donc les virages à
droite l’emportent : principal argument, le poids du pilote à droite
constitue un lest idéal du côté le plus sollicité, la CAD permet de serrer
au plus près le bord de la route et les dépassé (gain de temps) et argument
plus anecdotique : le cœur et les organes soumis à une force centrifuge
proportionnelle au rayon du virage sont moins sollicités pour cause de rayon
plus court de l’entraxe des sièges mais au calcul cela ne doit pas faire
lourd ! On retrouve aussi la facilité pour la conduite de nuit en
endurance ou rallies.
-
Le
conducteur peut descendre côté trottoir
-
C’est
plus facile pour arrêter un passant pour demander son chemin
-
Pour une
voiture de maître, cela évite au chauffeur de faire le tour de la voiture pour
ouvrir la porte au passager.
-
Pour les
« sportifs » l’identification à une voiture de course ou de
rallye : il est vrai qu’à l’époque la différence était plus ténue
qu’aujourd’hui avec la voiture de tous les jours : pour les vrais
pilotes c’était souvent la même !
-
Le
conservatisme pour ne pas avoir la voiture de M. Tout le Monde. Pour la petite
histoire, les Français échouèrent sur le marché japonais où on roule à
gauche en proposant des CAD alors que les Anglais marquèrent des points en
proposant des CAG ! Tant qu’à payer des taxes d’importation élevées,
autant montrer que l’on ne roule pas avec une voiture que l’on pourrait
confondre avec une japonaise : succès garanti avec un volant à gauche !
Mon expérience :
J’ai acheté
une Salmson 2300S en 1972 et elle a parcouru plus de 35.000 km avant d’être
arrêtée. De la conduite à droite j’ai retenu :
-
La
facilité de conduite de nuit.
-
Dans les
années 70 le dépassement n’était pas encore un problème : seuls les
utilitaires et les… 2 CV m’interdisaient de voir au travers, c’était
encore le règne des caisses « cubiques » style R8, 404. Sinon
c’était un peu de recul et une
accélération franche faisait le reste (plus de 100 chevaux bien présents, ce
n’était pas encore courant à l’époque mais qu’est-ce que cela devait être
dans les années 50 !). Depuis les lignes de caisses se sont relevées et
je ne vois plus à travers, les moteurs ont gagné en puissance, les dépassements
sont devenus plus difficiles si ce n’est que l’augmentation de la vitesse
moyenne d’un côté, les limitations de vitesses d’un autre les ont rendus
rares ! Il va sans dire que sur autoroute ou voie-express la CAD n’est
pas un handicap… tant que quelqu’un ne la prend à contresens !
-
Malgré
les lignes ci-dessus, un passager n’est pas un handicap pour un dépassement !
-
La
visibilité à droite est meilleure mais du coup le passager à gauche… On ne
peut tout avoir !
-
Un autre
problème lors d’un dépassement, on se rabat généralement lorsque le véhicule
dépassé apparaît dans le rétro intérieur. Avec la CAD il apparaitra
beaucoup plus tôt : gare à la queue de poisson involontaire ! Il
suffit de le savoir. Pensez’ y aussi lorsque vous roulez avec une CAG
Outre-Manche, le problème est le même !
-
Quelques
anecdotes : dans une sortie, placer la Salmson auprès d’une Jaguar CAG
et demander laquelle est l’anglaise (ou la française)… Réponse fausse
garantie !
Conclusion :
Date :
juin 2007